Belcourt premier épisode :
Arrivé à Alger en décembre 1949, pour mon travail à la C.G.E. Compagnie Générale d’Electricité dont le siège algérien était 41 rue Michelet, à l’angle de la rue Bourlon, j’ai tout de suite été étonné par la cherté de la vie et particulièrement pour la location d’une chambre meublée chez l’habitant, rare et très onéreuse.
Pour plus d’un tiers de mon salaire d’ ingénieur débutant, je louais d’abord une chambre centrale chez un vieille demoiselle corse Melle Follacci au septième étage 4 rue Lacanau : une petite rue toute en escaliers qui coupait les « S » de là rue Duc des Cars par laquelle montait le trolleybus de la Grande Poste au Télemly. Pour utiliser l’ascenseur de cet immeuble il fallait mettre une pièce de 2 francs en laiton : celles de la guerre en alu étaient avalées mais sans permettre le démarrage. Aussi devant tant d’avarice j’ai soudé une bonne pièce à une tige de laiton ce qui permettait de la récupérer une fois que l’ascenseur montait !
Comme dans cette chambre si chère je pouvais juste me faire un café noir avant de partir au travail (en approvisionnant le café) j’achetais un petit pain ou un croissant chez le bon boulanger au carrefour de la rue Michelet et la rue Charras. Il me fallait trouver un restaurant d’un prix abordable pour le déjeuner entre 12 et 14 heures.
Deux employés de la C.G.E. le mari et sa femme habitant Fort de l’ Eau me proposent d’ essayer celui qui leur donne satisfaction; il est un peu loin mais nous avons assez de temps. Je me joins donc à eux après avoir essayé plusieurs restaurants du quartier où je travaille : trop chers ! Je les accompagne : descente rue Sadi-Carnot par l’avenue Victor Hugo (en forte pente) traversée du Champ de Manœuvre, rue de Lyon jusqu’ au delà de l’Arsenal, dépassons la rue Alfred de Musset, c’est dans la petite rue Rigodit qui va des rues de Lyon à Sadi-Carnot.
La rue est si tranquille que par beau temps les tables occupent toute la largeur du trottoir. Les clients sont des habitués pas tous travaillant dans le quartier, car la renommée de sa cuisine familiale est bien assurée : il faut retenir sa place pour le lendemain. Paulette, la fille de la maison, une solide brune sert et encaisse; le père qui apparaît parfois sortant de la cuisine pour héler sa fille qui blague avec les clients et tarde à enlever les plats qu’il a préparés. La mère est aussi en cuisine mais elle n’apparaît pas.
Certains jours les clients ont l’honneur et le plaisir de voir le mari de Paulette; c’est un coquet bellâtre méditerranéen qui pour tout travail dans le restaurant familial va jusqu’à se servir seul une anisette ! Dès les premiers beaux jours, monsieur « Paulette » comme le nomment les habitués apparaît tout de blanc vêtu : souliers, chaussettes, pantalon, chemise et chapeau, même le cuir du bracelet de la montre est devenu blanc. J’ai ignoré oublié son activité, s’ il en avait une autre que fréquenter l’hippodrome d’Hussein Dey.
Après quelques mois de recherche j’ ai trouvé une chambre plus confortable et beaucoup moins chère à El Biar, quartier Dar Naama qui domine le Frais Vallon, ce qui la nuit permettait d’entendre les cris des chacals relayés par les aboiements furieux des chiens enfermés lorsque les chacals passaient furtivement à proximité pour aller fouiller les dépôts d’ordure. Mais on s’habitue vide à ces concerts nocturnes. J’ allais toujours déjeuner dans le petit restaurant si sympathique de Belcourt, les jours de travail.
Belcourt, second épisode :
Pendant l’été 1951, j’avais sauvé de la destruction un grand coffre berbère en cèdre, en le déposant dans le garage de la directrice du Collège Pasteur, avec la complicité de sa fille restée comme moi à Alger pour notre travail, pendant les longues vacances d’été des enseignants. Ce coffre était en très mauvais état car il était resté pendant plus d’un an dans la cour d’une maison d’ El Biar où il était utilisé pour enfermer des poules pendant la nuit Le coffre avait antérieurement été transformé : pour l’ouvrir, au lieu de soulever la partie supérieure, c’était le coté avant qui basculait vers le bas, permettant ainsi aux poules d’ y monter. Il a été abandonné, en raison de son état lamentable, par son propriétaire, un jeune administrateur à son retour de congé en France. Il était adjoint à l’Administrateur de la Commune mixte d’Oued Amizour (Petite Kabylie) d’ où le coffre était originaire.
Lorsque j’ai eu besoin de faire restaurer ce coffre en cèdre, c’est à Belcourt que j’ai trouvé un artisan menuisier fabricant quelques meubles; le nommé Culotto dont l’ atelier était rue Alfred de Musset, juste en face de l’ Arsenal. Donc voisine de la rue Rigodit où était le petit restaurant que je ne fréquentais plus depuis mon mariage. La restauration du coffre kabyle si elle ne lui avait pas rendu l’aspect du coffre originel, en a fait un meuble auquel nous nous sommes attachés, que nous avons déménagé d’Alger en octobre 1951 où il est arrivé à Angoulême, puis par le port de Caen, puis déménagement à Marseille Les Essarts, ensuite Rouen et il est arrivé à Lyon.
Belcourt troisième épisode :
En 1953, la C.G.E. où je travaille toujours est à l’ étroit dans ses locaux du 41 rue Michelet : bureaux et entrepôts sont sur trois niveaux réunis par un monte-charge et un escalier de bois autour de celui-ci. Entre le niveau supérieur, celui de la rue Michelet et les magasins inférieurs ouvrant sur la rue Denfert-Rochereau, il y a un garage accessible par la rue Bourlon, en forte pente : c’est un concessionnaire Simca qui ne veut pas vendre un aussi bon emplacement si bien placé dans le centre actif d’Alger. En fin 1953 la réunion des deux parties du boulevard Auguste Comte permet l’achat d’un terrain pour la construction d’un spacieux nouvel entrepôt avec de confortables bureaux, déménagement terminé fin 1954. J’y travaillerai, jusqu’en fin 1956, descendant par le chemin Fontaine Bleue depuis Hydra où nous habitons depuis notre mariage.
En conclusion, bien que n’ayant jamais été habitant de Belcourt, j’ai conservé beaucoup de souvenirs de ce vivant quartier d’ Alger.
P. Vialettes – février 2009
Bonjour,
Merci pour votre long commentaire. Nous sommes arrivés à Alger en 1947 avec mes parents et moi même.
Nous habitions rue Rigodit au n°3. Mon père a toujours travaillé au CFRA jusqu’en 1952… Nous sommes revenus a Paris.
Claude Archimbaud.